Le FIELD Museum de Chicago propose une exposition permanente intitulée : EVOLVING PLANET. Le concept : elle retrace l’apparition et l’évolution de la vie depuis plus de quatre milliards d’années jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi mentionner cette exposition dans ce blog ? Parce qu’elle se termine sur une question ouverte fichtrement bien amenée qui m’a coupé le souffle – Attention, spoiler !!!
L’exposition est longue, complète et fascinante, ponctuée par les périodes d’extinctions de masse, comme des fins de chapitres d’une histoire longue de plus de quatre milliards d’années. Après avoir arpenté le temps et déambulé dans la plus récente période glaciaire – période à laquelle nous et nos vies si remplies appartenons – nous arrivons dans un virage sombre à l’allure lugubre…
Nouveau chapitre : « Mass Extinction #6 » (6ème extinction des espèces)
Début : il y a 10 000 ans. Toujours en cours.
Un oiseau gracieux, le cou reposant sur son corps semble dormir dans un cercueil de verre. Qu’est-ce qui a disparu ? 30 000 espèces l’an passé.
Qui est menacé ? Tous les êtres vivants – Êtres Humains compris.
Puis, un peu plus à droite, sur un fond noir à l’écriture rouge sang, un compteur indiquant le nombre d’espèces ayant disparu depuis le matin même, 8h00. Un compteur remis à zéro chaque jour. On nous rappelle que les espèces disparaissent au rythme effarant de 30 000 par an, 82 par jour, 4 par heure.
Et c’est tout. Fin de l’exposition.
Sortie. Merci, au-revoir.
La douche froide finale a eu sur moi un effet hallucinant. Et pourtant, j’étais au courant, très informée, « à la page » de ce qui se produit en termes de réchauffement climatique, destruction de l’environnement, disparition de la biodiversité…
J’y ai pensé, beaucoup. Et parce que j’étais Membre du musée, je suis revenue à plusieurs reprises et je me suis plantée là, au détour de ce dernier virage qui symbolise parfaitement notre situation actuelle. Dernier virage avant la sortie… L’image est limpide.
Je restais dans un coin et je regardais les gens. Simplement. Pour voir leur réaction. Etudier leur façon d’encaisser la nouvelle. Curieuse de lire les expressions sur leur visage…
Et j’ai vu de tout : des haussements d’épaules, des regards trop plantés sur les portables pour s’arrêter un instant, des rires qui éclataient en franchissant cette ligne d’arrivée virtuelle, des moues perplexes. Des fuites en avant aussi lorsque le sens des écrits arrivait à leur cerveau, trop pressés d’oublier ce qu’ils venaient de lire, de fuir cette réalité plus que dérangeante…
Mais j’ai également vu des gens qui s’attardaient. Sombres. Soucieux. Avant de sortir les épaules voûtées, le visage grave. Des gens seuls, des familles. Des enfants également… L’un d’eux m’a particulièrement touché. Il est resté longtemps à lire, les sourcils froncés. Il a fini par appeler son père qui le suivait de loin, lui indiquant le texte inscrit à côté du compteur. Ce dernier a à peine levé les yeux de son téléphone. Je me souviendrai longtemps du regard de cet enfant qui s’est retourné une dernière fois avant de sortir, tiré par un père trop préoccupé par son écran pour être dans le moment présent et rassurer son enfant sur une information glaçante quant à son avenir. Son regard a alors croisé le mien. Et j’y ai lu la peur.
Ouvrons les yeux maintenant. Demain, nos enfants n’auront plus rien.
https://www.fieldmuseum.org/exhibitions/evolving-planet