Aujourd’hui, je m’en vais vous conter une petite histoire.
Il était une fois, un bien joli petit village perdu – ou protégé, c’est selon – au cœur de la non moins délicieuse Haute Lande. Un bien joli petit village abritant environ 323 âmes et dont l’accueillante place du village fleure bon la France qui fait du bien.
Un bien joli petit village, disais-je, dans lequel je me suis rendue pour découvrir un lieu magnifique, un lieu comme on en voudrait partout : une maison des Alternatives, un lieu intergénérationnel… appelez-le comme vous voudrez. Un de ces lieux censés attirer les citoyens – jeunes et vieux, petits et grands, riches et pauvres – qui veulent prendre les choses en main, qui osent repenser leur monde et n’ont pas peur de questionner leur vie et leurs habitudes. Un de ces lieux dans lequel on se regroupe, on communique, on échange, on (re)-construit, on rêve et on agit.
Et si l’essence du projet est superbe, le lieu physique qui l’abrite ne l’est pas moins. Loin de tous les clichés des maisons des associations froides, vides et impossibles à chauffer que l’on se voit prêter par les municipalités, celle-ci est une superbe bâtisse à l’âme virevoltante, remise à neuf par trois paires de mains de fées et quelques lutins et repeinte avec des couleurs chatoyantes qui feraient décoller les esprits les moins inspirés. Mise à disposition et refaite grâce à l’appui pas que psychologique de son propriétaire, un très joli Monsieur qui est très heureux de participer ainsi à un projet prônant de si belles valeurs, la maison Garbay comme elle se fait appeler, se targue en plus de trôner sur la place du village.
Tout va bien dans le meilleur des mondes, me direz-vous ? Eh bien, c’est là où le bât blesse.
Assise sur une pétulante chaise-palette à siroter mon café, je remarque une fontaine (pas très jolie d’ailleurs) au centre de la place. Une voiture vient à passer, la fontaine se met à jaillir. Je suis intriguée… Quelques minutes plus tard, un camion passe dans l’autre sens… la fontaine se déclenche à nouveau. Je regarde à deux fois ma tasse de café, doute un instant de son contenu puis décide de m’en ouvrir aux personnes autour de moi.
Et là, m’est révélée une histoire extraordinaire !
Contre toute attente, cette fontaine n’est pas seulement une fontaine : c’est une oeuvre d’art. Une oeuvre d’art dont la beauté n’a d’égale que son ingéniosité puisque l’artiste qui en est le père a surement dû se dire « qu’une fontaine qui jaillit tout le temps, c’est chiant » (bon, j’abrège son raisonnement…) alors pourquoi ne pas créer plutôt une fontaine avec détecteur de mouvement qui ne se déclencherait qu’au passage d’individus ou de véhicules à proximité ? Je vous entends déjà ! Et alors, pourquoi pas ? C’est pas si mal vu… L’art, c’est l’art.
Attendez, je ne vous ai pas tout dit. En ces temps de restrictions budgétaires (la fontaine appartient à la mairie – donc la mairie paye l’eau – donc les citoyens payent l’eau… vous me suivez ?), en ces temps de COP 21-22-etc. et d’économie urgente des ressources et en ces temps de campagnes publicitaires à coups de Moi quand je me lave les dents, je ferme le robinet !, et bien, mademoiselle La Fontaine-Oeuvre d’art se paye le luxe… d’être en circuit OUVERT ! Ce qui veut dire qu’à chaque passage à proximité, l’eau publique jaillit, puis s’écoule, se répand, se perd sur le sol de la place centrale. Bref, elle est gâchée – tout comme le sont d’ailleurs les deniers des habitants de Luglon.
ACTION ?!
Ce n’est pas grave ? Il y a pire comme problème ? Oui, bien sûr il y a pire !
Mais j’ai trouvé que la fontaine de Luglon était un bel exemple du jmenfoutisme des municipalités, des citoyens et des Hommes en général.
On passe tous les jours à côté de gâchis évidents, de choses répréhensibles qui nous concernent directement (je le répète encore une fois : les citoyens de Luglon payent pour cette eau gâchée) et dont nous sommes parfois même les acteurs passifs (les citoyens activent la fontaine à chaque fois qu’ils passent devant ! C’est énorme quand on y pense…) – mais on l’accepte, on ne fait rien.
C’est comme ça. On a d’autres problèmes. On a autre chose à faire. On s’en fout. C’est la faute de l’Etat. C’est la fatalité.
Et si on faisait passer le mot que l’Etat, la fatalité, les autres problèmes pourraient en fait se volatiliser si on faisait tous notre part ? Si on se décidait à ne plus baisser les yeux ou à détourner le regard lorsque quelque chose nous gênait ? Si, on se rendait compte qu’en parlant, qu’en s’y mettant à plusieurs, tout était en fait si simple à résoudre ?
En espérant que l’ouverture de la Maison Garbay permette aux citoyens et à la municipalité de questionner les bienfaits de cette fontaine. Et qui sait ? De la repenser pour qu’elle devienne enfin un bel exemple de sobriété artistique.